C’est pour ça que 3,5 millions de tonnes de roche du Gothard sont versées dans le lac d’Uri
Des choses qui n’y rien à y faire – ou peut-être si ? Dans cette deuxième partie de notre série sur le Gothard, nous expliquons ce que viennent faire ces roches dans le lac d’Uri et l’Argile à Opalinus sur la Göscheneralp.
Série : Les projets du siècle de la Suisse
La Suisse est capable de réaliser des projets du siècle. C’est ce qu’elle a montré au monde entier avec la construction du tunnel du Gothard. Le dépôt en couches géologiques profondes pour nos déchets radioactifs est également un projet du siècle. Et il y en a encore beaucoup d’autres. Des petits, des grands, parfois aussi des insolites. Nous vous les présentons dans cette série.
Aujourd’hui, nous vous présentons les mesures dites de compensation du chantier du « Second tube du Gothard ».
Le temps où l’on déversait simplement les matériaux d’excavation au premier endroit propice près de l’entrée du tunnel est clairement révolu. Les grands ouvrages ont inévitablement un impact sur l’environnement. Des mesures dites de compensation permettent de revaloriser la nature à un autre endroit. Par exemple dans le lac d’Uri ou sur la Göscheneralp, comme dans le cas du second tube au Gothard.
Réparer d’anciennes erreurs
« Environ trois trains par jour sont prévus pour le déversement des déblais dans le lac », précise Fredy Furger, qui nous présente, à Göschenen, le centre d’information du second tube du Gothard. Mais pourquoi déverser les roches du Gothard dans le lac d’Uri ?
Ces déversements créent des zones peu profondes, qui profitent à la faune et à la flore. Autrefois, il y avait de telles zones dans le delta de la Reuss. L’exploitation de gravier et la correction du lit de la Reuss a toutefois supprimé ces habitats, au début du siècle dernier.
Depuis 2003 déjà, on utilise des délais – qui provenaient, à ce moment, entre autres, du tunnel de base du Gothard – pour reconstituer des zones peu profondes et de nouveaux groupes d’îles. Cette renaturation a eu des effets positifs : un suivi sur le long terme a montré une augmentation de la biodiversité. Des informations détaillées sur ce projet sont proposées sur le site Internet « Seeschüttung Urnersee » (uniquement en allemand).
Ce succès remarquable aura une suite : en avril 2023, des déversements pilotes ont été réalisés avec des matériaux d’excavation provenant du creusement du second tube. Sur le total de 7,4 millions de tonnes de déblais, 3,5 millions de tonnes doivent être déversées dans le lac d’Uri, en cinq ans.
La perle de la Göscheneralp
Près de deux millions de tonnes des matériaux d’excavation iront au Tessin : pour l’aménagement du terrain et le recouvrement de l’A2 à Airolo – là aussi, une mesure de compensation. Le solde des déblais sera réutilisé comme matériau de construction. Il restera 200’000 tonnes de roches, qui iront dans une décharge.
Mais voyons plutôt ce qu’il en est du « développement paysager de la vallée de Göscheneralp ». Cette vallée est un but d’excursion apprécié par les randonneurs et les grimpeurs. « Une perle », comme la qualifie Peter Tresch, président de la commune de Göschenen, dans l’interview. Elle s’étend de Göschenen au lac de Göscheneralp en passant par l’alpage du même nom. « Pour moi, c’est le plus beau barrage qui soit », s’enthousiasme Peter Tresch.
Un fun fact pour ce fin connaisseur du projet du siècle : le noyau du barrage de Göscheneralp est constitué d’Argile à Opalinus. Cette roche ne provient toutefois pas du Gothard, mais du nord de la Suisse. Et c’est dans cette même roche argileuse que sera aménagé le dépôt en couches géologiques profondes de la Suisse. Une roche réputées pour ses propriétés d’étanchéité – et qui étaient manifestement déjà recherchée lors de la construction de ce barrage, en 1955.
Pourquoi pas à Göschenen même ?
Le chantier de Göschenen a des répercutions sur le paysage et l’environnement. Comme il n’est pas possible de mettre en œuvre des mesures de compensation à proximité immédiate du chantier, celles-ci sont concrétisées sur la Göscheneralp. Cette vallée latérale sauvage offre des paysages remarquables de marais et de zones alluviales, et abrite de nombreuses espèces animales et végétales rares.
La Göscheneralp sert de zone de détente proche pour les villageois et représente aussi un attrait touristique, même s’il reste modeste : « Pour ce qui est de la création de valeur ajoutée, ce n’est pas bien gras », commente le président de commune Peter Tresch. C’est un exercice d’équilibrisme : un tourisme de masse serait peu compatible avec la protection de l’environnement. Les capacités de la Göscheneralp atteignent déjà leurs limites.
La revalorisation écologique de la vallée de Göscheneralp coûte près de 1,5 million de francs. L’Office fédéral des routes (OFROU), qui répond de la construction du second tube au Gothard, prend en charge près de 950’000 francs. Le solde, soit un peu moins d’un demi-million, est pris en charge par le canton d’Uri.
Concrètement, ces mesures vont porter sur la sauvegarde d’espèces végétales et animales rares comme des orchidées, l’oreillard alpin et le tarier des près. Des chemins de randonnée et des ruisseaux seront aussi revalorisés. Objectif : refaire briller la « perle » de la Göscheneralp de tout son éclat.
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