Technical Report NTB 00-07

Grimsel Test SiteInvestigation Phase IV:The Nagra-JAEA in situ study of safety relevant radionuclide retardation in fractured crystalline rock III: The RRP project final report

La Nagra et JAEA ont collaboré pendant près de 15 ans dans le cadre du Programme Migration des radionucléides (Radionuclide Migration Programme RMP) afin d’améliorer les connaissances sur le transport/retardement des radionucléides dans les roches fracturées. Ces travaux menés au Laboratoire souterrain du Grimsel (LSG) ont commencé par un premier volet d’expériences sur la migration des radioéléments (MI) et se sont poursuivis par les projets sur l’excavation (EP) et sur la porosité interconnectée (CP). Traditionnellement, les études du type MI débouchent sur des données relatives aux systèmes de diffusion généraux tels qu’ils sont «perçus» par les radionucléides. Ces données sont ensuite modélisées pour obtenir un ensemble représentatif ou des valeurs moyennes pour les paramètres du transport/retardement. Il faut préciser toutefois que la modélisation aboutit à des résultats qui ne sont pas forcément uniques et que cette démarche ne permet pas de savoir précisément où se déroule le processus de retardement. Il est dès lors possible d’extrapoler à partir d’un site ou d’un système de diffusion les comportements pour un site aux caractéristiques différentes si les processus fondamentaux sont compris.

Ce point revêt une grande importance, vu que, dans la pratique, la géosphère entourant le dépôt des déchets radioactifs ne sera pas explorée dans le détail, en raison notamment de la nécessité de porter le moins possible atteinte aux caractéristiques favorables du site. Il est par conséquent indispensable que les extrapolations à partir de sites proches ou similaires, qui échappent à ces restrictions, puissent être justifiées par une compréhension approfondie des facteurs influant in situ sur le transport et le retardement des radionucléides. Dans le droit fil de cette stratégie, la Nagra et la JAEA ont proposé une nouvelle expérience faisant suite aux projets MI et EP.

Le projet d’excavation (EP) de la Nagra et de JAEA a présenté un défi considérable, puisque, pour la première fois, des mélanges de radionucléides fortement adsorbants et aux propriétés chimiques complexes ont été injectés dans une zone de cisaillement conductrice. La partie tracée de la zone a ensuite été excavée (environ 2 tonnes de roches). La complexité de ce projet et l’échelle de cette expérience in situ ont requis le développement, le perfectionnement et la mise à l’essai de diverses méthodes et techniques. Les importants efforts consentis pour garantir le succès de cet essai ont également nécessité une série de tests en laboratoire et sur le terrain au LSG, ces derniers dans des conditions se rapprochant le plus possible de celles de l’expérience finale.

Le projet d’excavation (EP) a commencé en 1990 par la phase I, l’étude de faisabilité, et s’est poursuivi entre 1994 et 1996 par la phase II, qui a consisté en une vaste campagne de tests en laboratoire et sur le terrain. Le présent rapport final résume la phase III de ces travaux, qui comprenaient:

  • L’injection de quatre mélanges différents de radionucléides dans la zone de test EP, laquelle avait été établie dans la zone de cisaillement expérimentale AU96 (zone de cisaillement MI), au LSG.
  • La surveillance continue des restitutions de radiotraceurs à la sortie du forage, suivie par la stabilisation du volume rocheux contenant les radioéléments retardés par le biais d’imprégnations de résine in situ.
  • L’excavation du volume rocheux stabilisé par un surcarottage parallèle à la zone de cisaillement pour récupérer l’échantillon et procéder aux analyses en laboratoire.
  • L’analyse radiochimique d’échantillons solides de la zone de cisaillement et l’examen structurel et géologique détaillé de la géométrie du chemin d’écoulement dans le dipôle.

L’un des objectifs du projet EP était d’examiner le comportement de radionucléides pertinents pour l’analyse de sûreté, c’est-à-dire des éléments étudiés dans les analyses de sûreté respectives des programmes Kristallin-1 de la Nagra et TRU-I de JAEA. La sélection finale fut la suivante:

238U, 235U et 234U:déterminants pour la sûreté

237Np:déterminant pour la sûreté

99Tc:déterminant pour la sûreté

152Eu:considéré comme un bon analogue chimique d’autres lanthanides et des actinides trivalents

60Co:bon analogue chimique du 59Ni déterminant pour la sûreté, plus facile à obtenir et plus facile à analyser que 59Ni

75Se:analogue chimique exact du 79Se déterminant pour la sûreté, mais demi-vie nettement plus courte (120 jours contre 65'000 ans)

113Sn:analogue chimique exact de 126Sn déterminant pour la sûreté, mais demi-vie nettement plus courte (115 jours contre 100'000 ans)

Mo stable:analogue chimique exact du 93Mo (demi-vie de 3'500 ans)

Des calculs préliminaires ont indiqué que, du fait de la faible solubilité naturelle de ces radionucléides dans les eaux souterraines/le système rocheux du Grimsel, l’activité des radionucléides retenus dans la zone de cisaillement se situerait nettement en dessous de la limite de détection de toute méthode radiochimique ou d’analyse des surfaces disponible au moment de l’essai. Il a par conséquent été décidé de modifier l’expérience en injectant des quantités beaucoup plus grandes de radionucléides dans le système qu’il ne serait possible de le faire dans des conditions de solubilité normales (en injectant des radionucléides dans des solutions acidifiées). De toute évidence, ce choix signifiait que la géochimie du système ne serait plus réaliste, mais les informations obtenues au sujet des voies de transport (du fait du marquage des chemins d’écoulement par les radionucléides) seraient malgré tout très précieuses pour tester des modèles conceptuels de transport dans des systèmes d’écoulement complexes.

La simple injection de résine pour définir la géometrie des cheminements dans le champ d’écoulement a été envisagée, mais cette option a été rejetée pour deux raisons:

  • Certains indices montraient que la résine pourrait ne pas pénétrer dans les petits interstices, en raison des limites imposées par la viscosité et la polymérisation.
  • Les chercheurs ont estimé qu’en utilisant des radionucléides pertinents pour la sûreté dans cet essai, ils pouvaient acquérir l’expérience requise pour mener d’autres études à l’avenir dans le cadre des programmes suisse et japonais sur les systèmes pertinents pour les dépôts géologiques. Par ailleurs, l’expérience du maniement de substances fortement actives et d’émetteurs α a amélioré la confiance dans ce qu’il était possible d’atteindre d’une manière générale dans un laboratoire souterrain.

Le comportement des radionucléides qui a été observé dans le système d’écoulement ne peut pas être utilisé tel quel pour les analyse de sûreté, mais il s’est révélé extrêmement précieux pour repérer les chemins d’écoulement dans ce système hautement complexe. L’analyse des chemins d’écoulement ainsi marqués a clairement montré l’impact du transport en double porosité et la complexité du flux et du retardement dans les trois dimensions (3D), où les «branches» des fractures et les «îles» de colmatage des fractures jouent chacunes un rôle. Pour les radionucléides les plus sensibles au phénomène, il ne faut pas négliger l’importance du retardement dans le remplissage des fractures par comparaison au même processus dans la matrice. Cela reproduit probablement assez bien ce qui se passera dans la roche d’accueil fracturée d’un dépôt, où les radionucléides fortement adsorbants auront peu de chance de parvenir jusqu’à la matrice en raison des nombreux retardements subis au niveau du matériau de remplissage des fracture.