Technical Report NTB 87-16

Trace Element and Microbiological Studies of Alkaline Groundwaters in Oman, Arabian Gulf: A Natural Analogue for Cement Pore-Waters

La microbiologie et le chimisme des éléments traces de quelques eaux souterraines fortement alcalines à Oman, ont été analysés. Ces études sont très importantes pour la compréhension des processus se déroulant à l'intérieur et autour d'un dépôt final pour déchets radioactifs. Leur valeur réside notamment dans les analogies naturelles qu'elles représentent pour l'environnement fortement alcalin dans les eaux interstitielles du ciment (on a supposé des valeurs de pH de 11 à 13 sur une période allant jusqu'à un million d'années) et dans l'environnement aquifère du champ proche du dépôt final.

Le ciment et le béton peuvent se manifester dans le dépôt final sous diverses formes: en tant que composants du déchet, matrice de solidification, colmatage et matériaux de construction. Le champ proche d'un dépôt final scellé sera non seulement fortement alcalin, mais aussi chimiquement réducteur en raison de réactions à l'oxydation et à la corrosion intervenant très tôt dans le dépôt. Ainsi l'analyse de sûreté doit-elle considérer, entre autres, les influences chimiques et microbiologiques s'exerçant sur le comportement des radionucléides dans cet environnement.

Des micro-organismes s'introduiront nécessairement dans un dépôt final; leur réactivité pourrait alors rendre les prévisions sur le comportement des composants du dépôt difficiles, comme par exemple, la détérioration du métal et du béton, accélérée par des bactéries de soufre et de fer, ainsi que la formation de gaz lors de la biodégradation des déchets, notamment le méthane dans lequel les bactéries méthanogènes sont actives. On a toutefois postulé que la prolifération microbienne est fortement ralentie dans un milieu fortement alcalin, tel que celui qui a été prévu pour un dépôt final dominé par le ciment, et est en plus affaiblie par le développement rapide de conditions fortement réductrices. Cette étude sur les analogies naturelles a tenté d'acquérir de plus larges informations sur la viabilité et la croissance microbiennes dans des eaux souterraines alcalines.

Les méthodes d'équilibre thermodynamique permettent habituellement d'évaluer et/ou de prévoir la spéciation de composantes solubles. Mais en ce qui concerne les éléments traces des radionucléides (actinides et éléments de filiation, produits de fission et d'activation), importants dans le dépôt final, les données de base thermodynamiques leur étant nécessaires sont relativement incertaines et d'étendue plutôt limitée. Dans la présente étude, la comparaison entre solubilités prévues et mesurées a servi à mettre en évidence ces incertitudes.

Il existe peu d'environnements naturels ou de conditions artificielles se maintenant sur de longs espaces de temps, qui fournissent des informations sur l'influence d'un pH élevé sur le comportement chimique et microbiologique d'un système. Une possibilité consiste manifestement dans l'analyse d'anciennes structures de béton, une autre dans l'étude des eaux alcalines (lacs salés tant naturels qu'artificiels). On a donc procédé ici à l'analyse de l'environnement naturel autour de points de décharge d'eaux souterraines hyperalcalines, situation que l'on ne rencontre que dans de rares conditions géologiques. Des expériences à court terme réalisées en laboratoire ne sont pas nécessairement en mesure de simuler le développement à long terme de conditions chimiques et microbiologiques. Mais on suppose que ce type d' "analogie naturelle" peut compléter judicieusement les résultats d’expériences en laboratoire.

Les sources alcalines d'Oman ont été sélectionnées pour la présente étude, parce que l'hydrochimie et quelques précipités minéraux associés sont très semblables aux conditions supposées dans les eaux interstitielles du ciment, même dans la mesure où des précipités de portlandite (Ca(OH)2) ont été observés. Des conditions fortement réductrices se manifestent aussi dans ces eaux souterraines et du gaz hydrogène se dégage de plus d'une source, augmentant ce faisant leur valeur en tant qu'analogie naturelle pour l'environnement du dépôt. Des échantillons de plusieurs de ces sources alcalines ont été recueillis afin d'isoler et d'identifier les populations bactériennes ainsi que de contrôler les solubilités de radionucléides prévues dans un environnement fortement alcalin.

Les espèces microbiennes identifiées dans les eaux de source sont semblables à celles décelées dans des environnements de sol et d'eau moins extrêmes. Le large éventail de bactéries isolées, tant aérobies qu'anaérobies, indique des fluctuations locales dues surtout à des variations des conditions rédox et de l'apport nutritionnel. En fait, certains micro-organismes hétérotrophes pourraient provenir de la contamination animale des eaux de source. Plusieurs bactéries hétérotrophes, qui ont pu se développer avec un pH > 10 et dans quelques cas avec un pH >11, ont été isolées. Il est cependant extrêmement difficile d'acquérir la preuve indubitable de la viabilité au-delà de ces valeurs de pH en recourant à des expériences en laboratoire. La plupart des espèces se sont avérées tolérantes aux alcalis. Partant des critères d'évaluation standard, deux espèces isolées tolérantes aux alcalis se sont avérées strictement aérobies. Elles ne sont que de peu d'importance pour l'environnement anaérobie du dépôt final.

La preuve de la présence de bactéries réductrices de sulfate (SRB) dans certains échantillons d'eau et de sédiment est d'un grand intérêt. Les SRB sont importantes pour l'élimination des déchets, vu qu'elles participent à des réactions qui favorisent la corrosion de l'acier et affectent l'intégrité du béton. Elles peuvent ne pas se présenter en grand nombre, mais leur existence montre qu'elles sont capables de coloniser des environnements au pH >11, même si ce n'est que dans un état inactif ou quasi inactif.

Les SRB sont incapables de croître dans un environnement alcalin et riche en substances nutritionnelles. Cela signifie que, dans des conditions expérimentales, le pH est le facteur qui limite la croissance. Toutefois, des données de mesure sur l'activité microbienne dans les eaux de source alcalines donnent à penser que le pH élevé n'est pas le facteur le plus important. Il ressort en effet des données hydrochimiques sur les eaux de source, que la croissance des populations microbiennes peut aussi être limitée par l'apport de substances nutritionnelles (spécialement carbone, nitrogène et phosphore). Mais il ne faut ici pas oublier que la teneur en phosphore de la plupart des ciments de Portland est bien plus élevée que celle des eaux de source. Les faibles teneurs de carbone organique observées dans les eaux de source sont semblables à celles identifiées dans maints environnements naturels. Bien que ces faibles teneurs représentent la limite inférieure pour l'absorption et l'utilisation par la plupart des bactéries et champignons, elles peuvent supporter une activité oligotrophique. Les bactéries hétérotrophes, qui prévalent dans les eaux de source alcalines et pourraient aussi être présentes dans un dépôt final, peuvent contribuer à la production d'acides organiques par l'hydrolyse de substances de déchets contenant de la cellulose. Ces acides organiques pourraient accélérer la neutralisation de l'alcalinité élevée et les acides organiques en résultant solubiliser divers radionucléides ou servir à nouveau de substance nutritionnelle pour d'autres bactéries.

Dans les eaux de sources, les éléments traces Se, Pd, Sn, Zr, Ni, U et Th ont été analysés en vue de la comparaison entre solubilités mesurées et solubilités prévues. Dans les conditions réductrices fortement alcalines données, les concentrations d'équilibre prévues pour Pd et Sn sont beaucoup plus basses que les limites de détection analytiques; pour les éléments Ni, Th et U les prévisions sont proches des limites de détection. Dans le cas de l'uranium, certaines difficultés sont apparues déjà au niveau de la prévision, en raison des différentes bases de données utilisées.

A l'exception de quelques valeurs significatives pour Zr et U, les concentrations des éléments traces mesurés sont inférieures aux limites de détection. En raison de la méthode analytique, les données sur Pd et Ni doivent être évaluées avec prudence (interférences avec d'autres éléments). Les valeurs mesurées pour Se, Zr et peut-être aussi Ni sont nettement plus basses que les valeurs prévues. Cela signifie que, dans la base de données thermodynamiques utilisée, on n'a peut-être pas tenu compte des phases solides appropriées. Mais une telle interprétation suppose que l'élément observé est présent dans la roche dans des proportions suffisantes. Des résultats géophysiques indiquent par exemple que les formations rocheuses entrant en question peuvent être particulièrement pauvres en zirconium. A cet égard, Ni est peut-être plus intéressant depuis que la géochimie connue suggère une présence de nickel suffisante. Pour Th au moins, les prévisions ne sont pas en contradiction avec les mesures. Toutes les mesures sont ici inférieures aux limites de détection et aux prévisions. Pour l'uranium, la situation est plus compliquée. Les concentrations prévues sont nettement supérieures aux valeurs mesurées et montrent une grande variabilité, fonction dé la base de données utilisée et du potentiel rédox de l'eau de source. Cet exemple met en évidence les problèmes que ce genre de prévisions peut poser et indique dans quel domaine de nouvelles recherches sont nécessaires.

Dans un cas, les expériences de filtration réalisées avec différentes dimensions de filtres montrent que l'uranium et ses nucléides-filles peuvent être associés au matériel colloïdal. Dans l'analyse de sûreté du dépôt final, les colloïdes sont reconnus être d'une importance potentielle, mais on suppose qu'ils tendent à l'instabilité en cas de pH ou de salinité élevé. En conséquence, l'indication que U et ses filles pourraient être présents dans ces eaux alcalines sous une forme colloïdale stable est très intéressante et mérite des recherches plus approfondies.

Bien qu'une "validation" positive quantitative ou semi-quantitative des modèles de prévision n'ait en général pas été réalisée, l'essai a mis en évidence quelques points importants de comparaison entre solubilités mesurées et prévues. Il a aussi montré qui une telle comparaison peut être réalisable analytiquement pour quelques éléments tels Se, Zr, Ni, U et Th, bien que le manque de connaissances sur des répartitions minérales naturelles et des vitesses de réaction rende une validation des modèles extrêmement difficile.