Technical Report NTB 03-01

Grimsel Test SiteInvestigation Phase VThe CRR final project report series I: Description of the Field Phase – Methodologies and Raw Data

En vue des analyses de sûreté l’expérience de Retardement des Colloïdes et des Radionucléides (CRR Colloid and Radionuclide Retardation Experiment) est consacrée à l’amélioration de la compréhension du retardement in situ des colloïdes associés aux actinides et les produits de fission à proximité de l’interface du système de barrières ouvragées (EBS Engineered Barrier System) et de la roche avoisinante. Outre une série d’expériences de dipôle in situ qui ont été menées dans le laboratoire souterrain de Grimsel (GTS Grimsel Test Site), les partenaires du projet, à savoir ANDRA (F), ENRESA (E), FZK-INE (D), JNC (J), USDOE/ Sandia (USA) et Nagra (CH), ont établi un vaste programme d’essais en laboratoire et de recherche de modélisations. Les objectifs du CRR étaient: le contrôle de la migration in situ des colloïdes de bentonite dans les roches fracturées, l’investigation en laboratoire et in situ des interactions entre les radionucléides et les colloïdes de la bentonite, et en complément, le test d’applicabilité de codes numériques représentant le transport des radionucléides par les colloïdes.

Le présent rapport est le premier d’une série de quatre rapports finals qui résument les résultats de recherche du projet CRR. En complément de ce rapport d’activités, la série inclut des rapports de laboratoire et de modélisation, le tout avec un rapport final de synthèse. Ce rapport résume et discute les résultats des investigations qui furent menés en 2001 et 2002 dans le cadre du projet CRR.

Le concept général du CRR est basé sur le fait que, dans la plupart des designs de dépôt de déchets de haute radioactivité, les déchets sont empaquetés dans des containers massifs en acier lesquels sont entourés d’un grand volume de bentonite (formant le système de barrières ouvragées EBS). Les containers vont lentement se dégrader et éventuellement faillir, relâchant un certain nombre de radionucléides dont la plupart sont supposés être retenus et décroître au travers de la bentonite. Pourtant, il est concevable que l’érosion de la bentonite à l’interface du système de barrières ouvragées et de la roche avoisinante produise des colloïdes de bentonite et qu’un nombre limité de radionucléides s’échappant du système de barrières s’associent à ces colloïdes pour migrer de la géosphère vers la biosphère au travers des fissures contenant de l’eau.

La partie centrale du projet CRR s’est appuyée sur une série de tests de traceur de dipôle. Ceuxci ont été réalisés dans une zone de cisaillement bien définie dans laquelle des champs de flux de dipôle de 2.2 et 5 m de long ont été générés. Des tests préliminaires sur les traceurs ont été pratiqués avec l’uranine, suivis de tests avec des colloïdes de bentonite et des éléments homologues des actinides tri- et tétravalents (Tb pour Am, Hf et Th pour Pu, respectivement). Finalement des cocktails de traceurs, contenant les différents isotopes de Am, Np, Pu, U, Tc, Th, Cs, Sr et I en l’absence ou en présence de colloïdes de bentonite, ont été injectés.

Les installations de terrain sont composées de plusieurs instruments de mesure en ligne tels qu’ un appareil de détection de l’uranine au fond du forage pour la détermination des fonctions d’alimentation de traceurs, un détecteur de haute pureté au germanium pour les mesures de spectrométrie-γ ainsi qu’un Laser Induced Breakdown Detector (LIBD) et un appareil de spectroscopie à corrélation de photon (PCS Photon Correlation Spectroscopy) pour la détection des colloïdes sur site. Les techniques analytiques qui ont été utilisées hors-site ont consisté en des mesures de spectrométrie α-/γ- et ICP-MS (Inductively Coupled Plasma-Mass Spectrometry) pour la détection des radionucléides ainsi qu’en l’utilisation de Single Particle Counting (SPC) pour la détermination des différentes classes de taille des colloïdes. L’interaction des actinides tri- et tétravalents fortement sorbants avec l’équipement a été évité en limitant autant que possible le contact direct in situ des parties de l’équipement en utilisant du PEEK (une matière synthétique inerte) avec les traceurs.

Les données sur les colloïdes naturels dans l’eau souterraine de la zone de cisaillement expérimentale ont révélé un diamètre moyen de colloïdes de l’ordre de 200 nm et une concentration en colloïdes stable aux alentours de 5 μgL-1. L’augmentation des concentrations en colloïdes observée temporairement au début des expériences a été vraisemblablement due aux contraintes mécaniques induites par des pulsations de pression générées lors de l’installation de l’appareillage de test. Les quatre différentes techniques de détection, à savoir LIBD, ICP-MS3, PCS et SPC, ont produit des données internes consistantes sur les colloïdes de bentonite injectés. Les colloïdes de bentonite sont arrivés légèrement plus tôt que le colorant conservatif d’uranine, et le recouvrement a été de 90%. Les effets de la filtration ont montré une dépendence des techniques appliquées et des diamètres des colloïdes.

Les tests d’homologues préliminaires se sont avérés très utiles pour la prédiction du comportement in situ des actinides tri- et tétravalents. En l’absence de colloïdes de bentonite, le recouvrement des homologues est légèrement plus faible que lorsque ceux-ci sont injectés avec les colloïdes de bentonite. Le pic maximum est légèrement décalé vers les temps d’arrivée plus courts comparé à celui de l’uranine.

La composition du cocktail de traceurs pour les injections finales de traceurs d’actinide ont couvert la gamme entière des états d’oxydation de -I à VI et ceci fut le résultat d’expériences de laboratoire, des cinétiques des réactions redox et des contraintes d’ordre pratique de l’utilisation de ces éléments in situ. La préparation d’un cocktail d’injection contenant des actinides tri- et tétravalents s’est avérée problématique comme démontré par la présence d’une fraction colloïdale variable de Am, Pu et Th, et ceci même en l’absence de colloïdes de bentonite. Pourtant, le cocktail d’injection qui incluait les colloïdes de bentonite a montré une haute association de colloïdes et une stabilité à long terme pour les actinides tri- et tétravalents avec les colloïdes de bentonite. Ceci indique qu’une proportion de radionucléides a été associée aux colloïdes de bentonite rajoutés.

Dans la première injection (sans les colloïdes de bentonite), les actinides tri- et tétravalents Am, Th et Pu ont montré un recouvrement moindre, moins filant et un pic de temps qui apparaissait 10 minutes plus tôt que celui de U, Np et I (qui est supposé réagir de manière conservative), indiquant qu’une fraction de ces actinides a été transportée dans un état colloïdal. Du fait de la concentration variable en colloïdes dans le cocktail d’injection, la source de ces colloïdes ne peut pas être encore définie de façon unique (radio-colloïdes homogènes ou hétérogènes) et des artéfacts, par exemple pendant la préparation du cocktail, ne peuvent pas être complètement écartés.

Avec l’addition de colloïdes de bentonite, un recouvrement plus important de Am, Pu et Th par rapport à la première injection a été observé. La forme des courbes n’a pas changé de façon significative puisque le pic dans la première expérience a aussi été affecté par une fraction des colloïdes. Autour de 1% de Cs a été transporté par des colloïdes, ce qui implique que 90 % du Cs contenu dans le cocktail (10 % du Cs dans le cocktail d’injection était sous forme colloïdale) a désorbé pendant la migration.

Finalement, on peut noter que les expériences de terrain constituent seulement une partie de l’ensemble du projet CRR et que l’interprétation et le transfert des ces données ont besoin d’être menés en tenant compte des résultats des expériences en laboratoire, des effets de la composition chimique de l’eau souterraine du site, des tests de courte durée et des autres contraintes techniques.