Technischer Bericht NTB 85-02

Sondierbohrung BöttsteinGeologie

La Cédra (Société coopérative nationale pour l'entreposage de déchets radioactifs) a entrepris en 1980, dans le nord de la Suisse, un vaste programme de recherches géologiques sur une zone d'environ 1200 km2. Ce programme entend procurer les connaissances sur les sciences de la terre, nécessaires pour juger si le sous-sol se prête au stockage final de déchets hautement radioactifs. Les multiples recherches s'articulent autour d'un programme de forages profonds, d'une reconnaissance géophysique des conditions pétrographiques et structurelles de la région, d'un programme d'analyses hydrogéologiques destiné à étudier le cheminement des eaux souterraines profondes et d'un programme de recherches néotectoniques destiné à détecter des mouvements crustaux actifs dans la zone des recherches.

Le sondage de Böttstein a inauguré la série des sondages réalisés dans le cadre du programme de forages profonds. Avec les coordonnées 659'340.8/268'556.0, 347.46 m au-dessus du niveau de la mer, il se trouve sur le territoire de la commune de Böttstein, dans le canton d'Argovie, à environ 10 km au nord de Broug. Il a atteint une profondeur finale de 1501 m.

Les travaux de forage ont commencé le 11 octobre 1982 et se sont poursuivis jusqu'au 5 juin 1983. Dans les roches sédimentaires comme dans le socle cristallin, on a recouru quasi exclusivement au procédé traditionnel de forage au rotary. Le roches sédimentaires et cristallines ont été entièrment carottées, à l'exception d'une section du socle cristallin de 250 m, qui a été elle forée au trépan. Il n'a pas été possible d'orienter les carottes à l'aide du procédé Multishot mis en place initialement, en raison de la forte rotation du tube carottier interne. Les carottes ont donc été orientées ultérieurement à l'aide d'une sonde acoustique de conception récente, la sonde Sonic Tele­viewer (SABIS).

Le matériel carotté (1250 m au total) au cours du sondage de Böttstein a fait l'objet de nombreuses analyses détaillées, tant en laboratoire que sur le terrain. Outre les aspects stratigraphiques, sedimentologiques, minéralogiques et pétrophysiques, ces études ont également tenu compte des points suivants:

  • Relevé de la structure des carottes (projektion développée des carottes sur papier transparent)
  • Mesure de la porosité (porosité absolute, mesure de la porosité par injection de mercure)
  • Perméabilité
  • Microscopie à fluorescence
  • Surface specifique
  • Capacité d'échange de cations
  • Conductivité thermique (quick thermal conductivity meter)
  • Examens géomécaniques
  • Analyse chimique des éléments principaux et des oligo-éléments
  • Isotopes stables et radioactifs
  • Inclusions fluids
  • Maturation du matériel organique (dans sédiments seulement)

Le présent rapport renferme une liste de toutes les données acquises jusqu'à la fin d'octobre 1984. Elles sont interprétées en vue de la reconstitution de l'évolution géologique de la région de Böttstein, mais aussi dans l'optique d'une caractérisation de circulation d'eau dans les roches sédimentaires et cristallines. Ce rapport fournit également des explications détaillées concernant la méthode de recherche employée.

A une profondeur de 315.3 m, sous une couverture sédimentaire mésozoique d'environ 300 m d'épaisseur, avec Schilfsandstein (Keuper moyen) au toit et Oberer Buntsandstein à la base, le sondage de Böttstein a rencontré un granite à biotite (socle cristallin) que l'on a pu étudier jusqu'à une profondeur de 1501 m. De par sa composition minéralogique, sa texture et sa position tectonique, ce granite correspond au type des granites varisques tardi-orogéniques et post-cinématiques bien connus dans le sud de la Forêt-Noire.

Le Schilfsandstein partiellement érodé, qui se trouve au-dessous de 17.5 m d'alluvions des Niederterrassenschotter du Pléistocène, et dont la puissance est de 25.0 m dans le profil de forage, est composé d'un faciès de chenal (grès fins et très fins) dans la partie supérieure et d'un faciès d'eau calme (marnes dolomitiques) dans la partie inférieure. Le Gipskeuper (74.8 m) se compose d'une séquence très hétérogène d'argiles, marnes dolomitiques et anhydrites. En présence de zones aquifères poreuses sus- et sous-jacen­tes, les anhydrites se sont transformées en gypse. Les deux parties de la "Lettenkohle" (4.7 m), la Grenzdolomit et les Estherienschiefer, sont imbriquées l'une dans l'autre. Le Muschelkalk supérieur peut se subdiviser en Trigonodus-Dolomit (28.9 m), Plattenkalk (13.9 m) et Trochitenkalk (32.4 m). La Trigonodus-Dolomit et le Trochitenkalk contiennent des zones fortement poreuses (jusqu'à 30 %) avec géodes et pores résultant de la dissolution des fossiles et de cristaux d'anhydrite/gypse. Le Muschelkalk supérieur ainsi que la Dolomie poreuse sous-jacente du "Anhydritgruppe" (7.4 m) appartenant au Muschelkalk moyen représentent l'aquifère bien connu du "Muschelkalk". La partie in­férieure du Muschelkalk moyen est composée d'évaporites argileuses hétérogènes des Obere Sulfatschichten (48.1 m), des Salzschichten (2.1 m, halite) et des interstratifications gypsifiées anhydrite/dolomie des Untere Sulfatschichten (6.2 m). Le Muschelkalk inférieur, essentiellement argileux contenant quelques fines intercalations de calcaire, peut être subdivisé en Orbicularis-Mergel (9.4 m), Wellenmergel (26.1 m) et Wellendolomit (10.6 m). Les Orbicularis-Mergel contiennent un banc d'anhydrite de 3 m d'épaisseur; la Wellendolomit n'a un faciès dolomitique qu'à sa base. Au-dessous du Muschelkalk, les grès quartzitiques du Oberer Buntsandstein (8.2 m), qui contiennent de la carnéole dans la partie inférieure, ont des porosités fortement variables. Le passage au granite du socle cristallin est fortement marqué. Une décomposition superficielle avant ou au début du Trias (effritement) ne peut être observée que dans les quelque trois mètres supérieurs.

Le granite de Böttstein est un granite à biotite porphyrique à gros grains, avec grands cristaux de feldspath potassique. Sa composition minérale moyenne est de 37.5 % de feldspath potassique, 27.5 % de plagioclase, 27 % de quartz et 8 % de biotite. La datation radiométrique dès biotites à l'aide de la méthode potassium/argon indique un âge carbonifère inférieur. Les roches filoniennes aplitiques à aplito-granitiques, pegmatitiques et rhyolitiques sont fréquentes mais généralement de faible épaisseur. L'affaissement du bassin permo-carbonifère situé au sud de Böttstein a entraîne une intensive déformation cassante avec zones de perturbations à kakirites et forte fracturation dans le granite. L'altération hydrothermale précoce liée au refroidissement du granite et une "argilification" hydrothermal tardif (permien), essentiellement lié à des zones kakiritiques et des diaclases, sont à la base de la nature pétrophysiquement et minéralogiquement hétérogène du granite. La composition des minéraux dans le granite comme dans les remplissages des fractures est semblable: minéraux argileux (illite, illite/smectite à couches mixtes, chlorite, kaolinite au-delà de 600 m), calcite, quartz et hématite au-delà de 1000 m ont été identifiés. Les porosités ouvertes (mesure de la porosité par injection de mercure) varient de 0.2 % dans les granites sains à 6.7 % dans les granites kakiriti­ques fortement altérés. Les granites les moins altérés et les plus sains ont été observés dans la partie inférieure du forage, entre 1075 à 1330 m et 1475 à 1501 m.

La plupart des diaclases du socle cristallin sont entièrement colmatées avec des minéraux argileux, de la calcite et du quartz. La fréquence de leur occurence semble ne pas être liée à la perméabilité de la roche environnante. La circulation d'eau observée dans des zones étroitement limitées du socle cristallin se borne généralement à des fractures ouvertes dans des roches filoniennes pegmatitiques à aplitiques ainsi qu'à des diaclases et veines de quartz partiellement colmatées, qui se manifestent plutôt dans des zones de perturbations kakiritiques.

La distribution spatiale relativement uniforme des zones kakiritiques (surtout d'inclinaison sud-ouest), constatée dans le granite de Böttstein contraste avec les différentes positions variables des roches filoniennes observées. Cela donne lieu à un réseau tridimensionnel complexe des cheminements potentiels d'eau dans socle cristallin.

En recourant à la microscopie à fluorescence, il a été possible des montrer les cheminements potentiels entre les fractures ouvertes et les roches granitiques et filoniennes poreuses environnantes, ayant subi une altération hydrothermale. Dans l'optique des problèmes liés au stockage de déchets radioactifs dans des formations géologiques, ce résultat indique que la diffusion entre les zones de circulation des eaux souterraines et la matrice rocheuse est possible et joue un rôle important dans le cas de transport des radionucléides.