Technischer Bericht NTB 00-01

Sondierbohrung Benken Untersuchungsbericht

En 1980, la Nagra a entamé dans le nord de la Suisse un programme régional de recherches dans le domaine des sciences de la terre, avec pour objectif l’étude de la structure du sous-sol, en particulier du socle cristallin situé sous les roches sédimentaires mésozoïques. Dans le cadre de ces recherches, des forages profonds ont été réalisés, dont les résultats ont servi de base pour le Projet Garantie de 1985 de la Nagra. Lors de son évaluation du Projet Garantie, la Confédération a demandé que soit également étudiée l’option des roches sédimentaires pour le stockage de déchets hautement radioactifs.

Pour donner suite à cette demande, la Nagra a commencé à évaluer, à partir des données existantes, l’adéquation des roches sédimentaires comme roche d’accueil pour un dépôt géologique. Les travaux se sont concentrés sur l’examen des «Argiles à Opalinus» (argilites à Leioceras opalinum) et de la Molasse d’eau douce inférieure. Après une évaluation effectuée en accord avec les autorités de surveillance de la Confédération (DSN/HSK) et les experts de la CGD/KNE et de la CSA/KSA, il a été décidé en 1994 d’explorer plus avant les Argiles à Opalinus. Des bases de données géoscientifiques importantes pour cette exploration sont fournies par les investigations sismiques (sismique 3D) dans le Zürcher Weinland (nord du canton de Zurich), les résultats du forage de reconnaissance de Benken et les expériences menées au laboratoire souterrain du Mont Terri. L’ensemble des données de base est complété par les résultats des campagnes antérieures de sismique 2D dans le nord de la Suisse et par les résultats des autres forages profonds réalisés dans le nord de la Suisse.

Le forage de reconnaissance de Benken (coord. 690'988.80/277'842.90, 404.30 m s. m.) est situé sur la commune de Benken dans le canton de Zurich, à environ 0.7 km au SSW de l’agglomération, à l’ouest de la route Winterthur – Schaffhouse. Le forage a atteint une profondeur de 1007 m; il a traversé l’ensemble des sédiments mésozoïques et pénétré dans le socle cristallin.

Les travaux de forage ont commencé le 3 septembre 1998 et ont duré jusqu’au 12 mai 1999; ils ont été interrompus à plusieurs reprises pour des investigations scientifiques. Les dernières étapes de la phase de forage ont été consacrées à la cimentation du forage jusqu’à une profondeur de 827.7 m et la perforation du tubage aux intervalles prévus pour l’observation à long terme des potentiels hydrauliques. Le système de obturateurs multiples destiné à cette observation a été installé entre le 28 juin et le 17 juillet 1999. Le programme de recherche prévu a pu être réalisé complètement et avec succès.

Les programmes de forage et d’essais ont été conduits par des collaborateurs de la Nagra. Plus de 30 partenaires de différents pays, tels qu’instituts universitaires, entreprises de conseils et entreprises de services ont participé aux investigations.

Le présent rapport rend compte des résultats géoscientifiques des recherches menées dans le forage de reconnaissance de Benken. Il ne fournit donc pas directement une évaluation des Argiles à Opalinus comme roche d’accueil pour un dépôt géologique de déchets radioactifs. Des conclusions définitives à ce sujet seront établies dans un rapport de synthèse publié ultérieurement, qui prendra en compte les résultats de toutes les autres recherches entreprises, en particulier ceux de la sismique 3D et des essais au laboratoire du Mont Terri.

Aperçu géologique

Le Zürcher Weinland est situé dans un domaine tectoniquement calme entre la marge septentrionale du Bassin molassique et le Jura tabulaire. La couverture sédimentaire, qui affleure dans le Jura tabulaire schaffhousois et qui plonge sous les dépôts tertiaires avec une pente d’environ 3 à 5° vers le SE, comprend une série sédimentaire allant du Trias au Jurassique, prise entre le socle cristallin et la Molasse.

Buts du forage de reconnaissance de Benken

Le forage de reconnaissance de Benken avait pour objectif l’acquisition de données de base des Argiles à Opalinus et des formations adjacentes ainsi que de calibrer la sismique 3D. Les objectifs spécifiques majeurs étaient les suivants:

  • reconnaissance de l’épaisseur et de l’orientation des séries sédimentaires traversées, ainsi que de leur composition lithologique, minéralogique et pétrographique,
  • reconnaissance des systèmes de diaclases et de failles et définition de leur orientation spatiale,
  • reconnaissance des propriétés géomécaniques des Argiles à Opalinus et définition du champ des contraintes et des conditions de température qui y règnent,
  • reconnaissance des transmissivités et potentiels hydrauliques dans les aquifères et les aquitards,
  • étude des caractéristiques hydrochimiques et isotopiques des eaux profondes dans les aquifères et dans les aquitards (eau des pores, eau de rétention),
  • récolte de données de référence géophysiques pour le calibrage de la sismique 3D.
Stratigraphie / lithologie

Conformément aux conditions définies dans le programme de travail, le forage de reconnaissance de Benken a été foré au trépan à molettes jusqu’à une profondeur de 395 m, et carotté à partir de cette profondeur. C’est pourquoi dans les 395 premiers mètres on ne dispose que de débris de forage (cuttings) pour la reconnaissance géologique. Les carottes du forage de Benken (de 395 m à la profondeur finale) ont toutes été documentées; certaines d’entre elles ont été étudiées de manière détaillée et approfondie sur le terrain et au laboratoire. En plus des aspects stratigraphiques, minéralogiques et pétrographiques, les examens ont porté sur les aspects structuraux, pétrophysiques, géochimiques et isotopiques de la roche.

Après avoir traversé les roches meubles du Quaternaire sur 68 m et le Tertiaire sur 131 m, le forage a traversé 784.3 m de sédiments mésozoïques. La roche d’accueil potentielle pour un dépôt géologique est constituée des Argiles à Opalinus (Dogger) et des séries argileuses des Couches à Murchisonae, de faciès très semblable, sur une épaisseur totale de 112.34 m entre 539.70 et 652.04 m de profondeur. Au-dessous de 983.30 m, le forage a pénétré le socle cristallin constitué de gneiss à biotites et plagioclases.

Le Quaternaire traversé montre une alternance horizontale et verticale d’argiles, de silts, de sables, de graviers et de craies lacustres. Le sommet de la séquence est défini par la couverture d’humus, et la base par la roche en place. Le Tertiaire sous-jacent est constitué de Molasse d’eau douce inférieure sur une épaisseur de 124 m, comprenant des marnes bariolées, des sables et grès peu cimentés, ainsi que de Sidérolithique sur une épaisseur de 7 m (en général des argiles de couleur ocre contenant des nodules de minerai de fer).

Le Malm est constitué d’une séquence de 252 m de puissance de calcaires avec des intercalations marneuses de faible épaisseur. Dans l’ensemble, le Malm traversé est comparable à ceux des Randen et de l’Alb souabe occidental. Le faciès de ce Malm est marqué par des calcaires massifs et bien lités. Comparé à celui des régions voisines, le Malm de Benken est relativement peu épais, principalement en raison de la faible épaisseur des Couches d’Effingen.

Le Dogger présente une série d’environ 200 m d’épaisseur constituée d’argilites en partie à sables fins et de marnes, avec des intercalations de calcaires, calcarénites et oolites ferrugineuses. Du point de vue lithologique et faciologique, il est proche du «Jura brun» de la région de la Wutach et du Jura schaffhousois. Les Argiles à Opalinus, d’une épaisseur de 93.52 m, sont en général constitué d’argilites gris foncé silteuses, calcarifères et micacées. Elles contiennent en proportions diverses de fines inclusions, lentilles ou pellicules de siltite et de grès. Les Couches à Murchisonae, épaisses de 19.68 m et sus-jacentes aux Argiles à Opalinus, sont constituées à Benken d’argilites noires silteuses à finement sableuses calcarifères, et sont donc lithologiquement pareilles aux Argiles à Opalinus supérieures qu’elles coiffent. Elles sont ainsi différentes de celles du forage de Weiach.

Le Lias est constitué d’une série marine hétérogène de 40 m d’épaisseur de marnes, calcaires, siltites et argilites. Les diverses formations, bien que très minces pour la plupart, sont repérables avec une lithologie identique ou très semblable jusque dans le Jura souabe et jusqu’à Weiach.

Le Keuper est composé d’une série d’environ 119 m d’épaisseur d’argilites et de marnes avec des intercalations de dolomie, grès et anhydrite. Dans le tiers supérieur on trouve les formations gréseuses du Stubensandstein et des Grès à roseaux (Schilfsandstein), et dans les deux tiers inférieurs le Keuper à gypse riche en anhydrite. Le Keuper est d’allure et d’épaisseur semblables du Jura argovien à la région de la Wutach. Dans le forage de Benken, il peut être subdivisé selon les formations connues ailleurs; la formation du Stubensandstein s’écarte toutefois de son aspect habituel en raison de son épaisseur plus grande et de la présence de brèches carbonatées poreuses.

Le Muschelkalk supérieur comprend des dolomies massives et poreuses, des dolomies en plaquettes, en partie oolithiques et des calcaires micritiques, ainsi que des bancs de calcaires à entroques (Trochitenbänke) et de bioclastes coquilliers (Schillbänke). Il a environ 63 m d’épaisseur et montre la subdivision habituelle en Dolomie à Trigonodus et Hauptmuschelkalk. Le Muschelkalk moyen, d’environ 68 m d’épaisseur, montre, outre des dolomies laminées, marnes et argilites, une série d’évaporites constituée de bancs épais d’anhydrite et un dépôt de sel gemme de 13 m d’épaisseur. Le Muschelkalk inférieur est constitué essentiellement d’une séquence d’environ 34 m d’épaisseur d’argilites gris foncé à noir, avec de minces passages gréseux et quelques petits bancs calcaires. Il comporte en outre des marnes, ainsi que des bancs de grès dolomitiques à la base. Dans le forage de Benken, le Muschelkalk inférieur peut être subdivisé en Marnes à Orbicularis, Wellenmergel et Wellendolomit.

Le Buntsandstein (environ 8 m d’épaisseur) est constitué de grès verdâtres et blancs, ainsi que de minces couches de grès argileux à ciment de cornaline et un horizon remanié. Il manque les paléosols argileux et sableux bigarrés, lie de vin, qui caractérisent le Buntsandstein dans la région de la Wutach. Le Buntsandstein du forage de Benken est subdivisé en Grès plaquetés (Plattensandstein), Horizont carnéolé (Karneolhorizont) et Horizont remanié (Umlagerungshorizont).

Le socle cristallin (de 983.30 à 1'007 m) est composé de gneiss hautement métamorphiques, en partie migmatiques, ainsi que d’un filon d’aplite.

Géophysique

Un vaste programme de géophysique de forage a été réalisé dans le forage de reconnaissance de Benken, comprenant des investigations pétrophysiques, structurales et de sismique de forage.

Les mesures pétrophysiques se sont révélées, comme prévu dans les roches sédimentaires, très adéquates pour la reconnaissance in situ des principaux paramètres de formation. Le tronçon foré au trépan à molettes (jusqu’à 395 m) a également fourni une image détaillée des conditions lithologiques. Les domaines argileux, hydrauliquement peu perméables, se sont très bien différentiés des couches riches en calcaire.

Le lever détaillé des structures de la paroi du forage au moyen de diverses sondes a permis d’orienter les carottes dans leur position initiale et par là de déterminer dans l’espace la position des couches, des diaclases et des hétérogénéités.

La sismique de forage a permis le lien entre le forage de Benken et la sismique 3D. Grâce à elle, les réflecteurs sismiques proches du forage ont été identifiés et ajustés en profondeur. La comparaison entre la sismique de forage et la sismique 3D a permis de calibrer cette dernière et d’extrapoler latéralement les résultats du forage aux sédiments mésozoïques dans la région d’étude.

Mécanique des roches

Les études de mécanique des roches ont été focalisées sur la caractérisation des Argiles à Opalinus et sur l’examen du champ des contraintes primaires.

Il s’est avéré que les propriétés mécaniques des Argiles à Opalinus sont fortement anisotropes, mais transversalement isotropes. Les propriétés élastiques de la roche et les paramètres de cohésion dépendent de sa teneur en eau, ce qui établit un couplage hydromécanique entre la déformation de la roche et la pression d’eau dans les pores. On a aussi constaté le passage d’un comportement rigide de la roche à un comportement ductile dépendent de la teneur en eau. Les propriétés pétrophysiques de la roche ne dépendent que faiblement de sa composition minéralogique. Si le rapport de Poisson n’est pas dépendant de la direction, le module d’élasticité par contre présente une forte anisotropie liée à la stratification, avec Eparallèle > E45° > Eperpendiculaire. Le module E (module de Young) varie selon l’orientation par rapport aux couches entre 11 et 6 GPa, la résistance à la pression uniaxiale a une valeur d’environ 30 MPa parallèlement et perpendiculairement aux couches, tandis que sous un angle de 45° elle descend à environ 6 MPa.

Pour déterminer l’ampleur et la direction du champ des contraintes primaires in situ, on a effectué des essais de fracturation hydraulique et on a étudié l’orientation des éclats de paroi du forage et des fissures induites. Les mesures de contrainte par hydrofrac fournissent des valeurs, pour la contrainte principale horizontale minimale et maximale Sh et SH, montrant de sensibles variations et une augmentation non linéaire avec la profondeur. Dans les Argiles à Opalinus, les valeurs obtenues sont cohérentes avec les résultats de l’essai effectué entre 629.5 et 632.5 m de profondeur, soit Sh = 14.6 MPa et SH = 19.7 ± 2.6 MPa. Les investigations ont révélé, de manière concordante, une orientation NNW-SSE à N-S de la contrainte horizontale maximale SH.

Hydrogéologie

Les essais hydrauliques prévus dans le programme de travail du forage de reconnaissance de Benken, spécialement dans les Argiles à Opalinus et les autres tronçons à dominante argileuse, ont nécessité, pour garantir le succès des travaux à Benken, un examen préliminaire des concepts de test et de la méthodologie envisagés. La très faible conductivité hydraulique de la roche (environ 1·10-13 m/s) provoque une forte réaction des intervalles de test aux modifications du champ des pressions (par exemple par le processus de forage). En adaptant le concept des essais, on a essayé minimiser autant que possible l’influence de telles perturbations sur le déroulement des essais. On a effectué aussi bien des tests à obturateur unique, qui isolent un intervalle de longueur quelconque entre l’obturateur et la base du forage, que des tests à deux obturateurs qui isolent un intervalle entre les deux obturateurs à un endroit quelconque du forage.

En général, la meilleure reproduction des données de test a été obtenue à l’aide d’un modèle à symétrie radiale comprenant deux zones (radial composite). Les valeurs obtenues pour la zone interne sont en général faussées par des effets perturbateurs (par exemple la zone de décompression autour du forage) et ne sont donc pas représentatives des propriétés effectives de la formation. Les valeurs représentatives des caractéristiques hydrauliques du milieu rocheux sont données par les résultats des modèles pour la zone externe.

Les conductivités hydrauliques déterminées dans le forage de Benken varient entre 1·10-14 m/s pour les Argiles à Opalinus et 6·10-6 m/s pour le Buntsandstein. Le Malm a révélé des valeurs entre 6·10-14 m/s et 1·10-8 m/s. Dans le Dogger supérieur, on n’a identifié que des valeurs faibles (K de 2·10-13 à 2·10-12 m/s), et dans les Argiles à Opalinus et les Couches à Murchisonae, les essais effectués ont donné des valeurs très faibles (de 1·10-14 à 6·10-14 m/s). Le Lias a également fourni une conductivité hydraulique très faible, 3·10-14 m/s. Le Keuper s’est révélé peu perméable (Keuper à gypse = 1·10-13 m/s), à l’exception du Stubensandstein (K = 1·10-7 m/s). Le Muschelkalk a fait l’objet de 3 tests qui ont montré une conductivité hydraulique de 1 à 5·10-7 m/s. La plus grande conductivité hydraulique identifiée dans le forage de reconnaissance de Benken (6·10-6 m/s) est située dans le Buntsandstein.

L’identification d’une venue de gaz, respectivement d’une pression de seuil d’irruption de gaz dans les Argiles à Opalinus complètement saturées en eau, a pu être faite lors du test O5. La pression de 1.27 MPa, observée en relation avec une conductivité hydraulique de 1·10-12 m/s (zone interne), est cohérente avec les données de la littérature.

Toutes les valeurs de potentiel du Malm (calculés pour une colonne d’eau douce) montrent des valeurs légèrement subartésiennes (environ de 11 à 20 m sous le niveau du sol). De manière générale, les potentiels augmentent massivement à partir du Dogger supérieur, dans les Argiles à Opalinus et jusqu’au Lias. Dans ces formations, les potentiels d’eau douce observés se situent entre 50 m et 150 m au-dessus du niveau du sol. Dans le Keuper supérieur (Stubensandstein) le potentiel se trouve à 464 m s.m. (environ 60 m au-dessus du sol). Dans la partie inférieure du forage (Muschelkalk et Buntsandstein) le potentiel est proche du niveau du sol (404 m s.m.).

Après la fin des activités de forage et de test, le forage a été équipé d’un système à obturateurs multiples isolant 9 intervalles du forage. Ce système est destiné à l’observation à long terme des eaux souterraines.

Hydrochimie

Les investigations hydrochimiques dans le forage de reconnaissance de Benken poursuivaient deux objectifs. D’une part, il s’agissait d’étudier les caractéristiques physico-chimiques et isotopiques des eaux souterraines dans les aquifères régionaux et dans les couches aquifères au-dessus et au-dessous des Argiles à Opalinus. D’autre part, il s’agissait de caractériser l’eau contenue dans les pores des Argiles à Opalinus et des formations peu perméables voisines. Les résultats de ces recherches sont utilisés pour la compréhension des systèmes régionaux d’écoulement des eaux souterraines, et constituent une base importante pour la compréhension du transport de matières dans la roche d’accueil et dans les formations voisines. Comme prévu, il n’a pas été possible de prélever de manière conventionnelle des échantillons d’eau dans les Argiles à Opalinus et dans les formations riches en argile susjacentes et sousjacentes, très peu perméables. Des études spéciales effectuées sur carottes en laboratoire ont donc été nécessaires pour la caractérisation de l’eau des pores de ces formations argileuses.

Le programme de recherche pour la caractérisation de l’eau des pores des formations argileuses comprenait la détermination des rapports isotopiques (δ18O et δ2H) d’une part sur de l’eau extraite sous vide, d’autre part par échange isotopique diffusif, la détermination des gaz rares dans l’eau des pores, la détermination de la capacité d’échange cationique et de la teneur de la roche en sels solubles à l’eau, enfin la détermination de la composition chimique et du contenu en isotopes stables d’eau extraite des pores par pression.

L’eau souterraine contenue dans les calcaires bien stratifiés du Malm se révèle, par sa minéralisation élevée, sa composition isotopique et une teneur élevée en He, comme une eau de formation d’origine marine et très âgée, modifiée par l’interaction eau/roche (et éventuellement des mélanges), de type Na-Cl-(SO4). L’eau rencontrée dans le Keuper, très minéralisée et de type Na-SO4-(Cl), est d’origine météorique et a acquis son caractère principalement dans les formations du Keuper. La composition des isotopes stables et radiogènes, les gaz rares et les teneurs élevées en He indiquent de manière cohérente pour l’eau du Keuper une infiltration durant une époque interglaciaire et un long temps de séjour. L’eau du Muschelkalk, de type Ca-Mg-SO4-(HCO3), ainsi que l’eau du Buntsandstein, de type Na-HCO3-Cl-(SO4), sont nettement moins minéralisées. D’après son activité en 14C, l’eau du Muschelkalk a une durée de séjour dans le sous-sol d’environ 13'700 ans. Cela est en accord avec la composition des isotopes stables de l’eau, sa teneur relativement faible en He et les gaz rares dissous, qui indiquent pour cette eau une infiltration au cours de la dernière glaciation. L’eau du Buntsandstein, qui ne contient pas de 14C, devrait être âgée de plus de 26'000 ans, ce qui est cohérent avec sa teneur élevée en He et est en accord avec la composition des isotopes stables de l’eau et les gaz rares dissous, qui indiquent une infiltration sous un climat plus froid que le climat actuel. Les teneurs importantes en 4He radiogène et en 40Ar indiquent que cette eau a circulé assez longtemps en milieu cristallin. Les eaux souterraines du Malm, du Keuper et du Muschelkalk montrent quant à elles des rapports 3He/4He très élevés, les eaux du Malm et du Keuper révélant aussi des rapports 40Ar/36/Ar élevés.

L’eau contenue dans les pores du Dogger présente des concentrations en chlorures d’environ 5'700 mg/l (environ 0.16 M) dans la partie centrale, et d’environ 3'000 mg/l (environ 0.085 M) dans les parties distales à la base des Argiles à Opalinus.

Les teneurs en chlorures, les isotopes du chlore, les isotopes stables de l’eau et les gaz rares dissous inventoriés dans les eaux des pores montrent, de la base du Malm au sommet du Keuper, des courbes de concentration particulières mais typiques, qui toutes peuvent s’expliquer comme profils de diffusion. Les teneurs en chlorures et les isotopes du chlore indiquent que les conditions aux limites fixant leur profil de diffusion ont dû changer plusieurs fois au cours de l’évolution géologique. Ces changements ne sont repérables que partiellement sur la courbe des isotopes stables de l’eau et sur celle des gaz rares.