Technischer Bericht NTB 86-05

Sondierbohrung Leuggern:Geologie

Le sondage de Leuggern a été foré dans le Jura tabulaire argovien, sur le territoire de la commune de Leuggern, située à environ 13 km au Nord de Brugg (Coord. 657.664/271.208/358.8). Les travaux de forage se sont étalés du 9 juillet 1984 au 10 février 1985. A l'exception de quelques brefs intervalles de recentrage forés au moyen de trépans à molettes l'ensemble des sédiments et du cristallin a été carotté jusqu'à une profondeur de 1688.90 m.

La séquence sédimentaire, d'une épaisseur de 222.96 m, regroupe 48.50 m, de Quaternaire, du Muschelkalk supérieur (39.50 m), moyen (39.37 m) et inférieur (48.10 m), ainsi que du Buntsandstein (15.58 m).

Le Muschelkalk supérieur comprend 10 m de dolomie à Trigonodus qui arbore le faciès de "Plattenkalk" entièrement dolomitisé, renfermant des druses de calcite jaune ainsi que de la calcite et du gypse dans les cavités de dissolution. Au sein du calcaire coquillier principal (29.69 m) apparaissent des calcaires à entroques, dans lesquels les cavités issues de la dissolution de coquilles sont tapissées de cristaux zonés de calcite et/ou de dolomie de taille centimétrique. Le Muschelkalk moyen est représenté par la dolomie du "Groupe de l'anhydrite" (12.52 m), contenant beaucoup de néoformations comme le quartz, le talc, le gypse, la calcite, la fluorite et la pyrite, ainsi que par les couches sulfatées supérieures (46.44 m), les couches salifères (7.88 m) et les couches sulfatées inférieures (4.37 m).

Les couches sulfatées superieures arborent un faciès et une subdivision comparables à ceux du même horizon rencontré dans les autres sondages. Comme à Böttstein, leur partie supérieure est transformée en gypse.

Le Muschelkalk inférieur affiche un faciès marno-argileux monotone caractéristique. Le Buntsandstein est composé de marnes argileuses, gréseuses et dolomitiques (Röt). De petits cycles de grès fins à grossiers, blancs ou verts, ainsi que des grès argileux versicolores forment le Buntsandstein supérieur. Viennent ensuite des grès noduleux et violets ainsi que des argiles renfermant de la calcédoine et des caliches gréseuses (horizon de calcédoine), puis comme horizon basal, des grès grossiers blanc à stratification oblique (grès à stratification diagonale). Le Buntsandstein est marqué par une diagénèse complexe, où ce sont surtout les processus de formation de sol avec développement d'incrustations siliceuses et calcaires qui ont modifié l'agencement primaire des dépôts de sable.

Un contact net et discordant marque le fin du Buntsandstein et le début du socle cristallin (222.76 m), dans lequel les traces d'une paléo-érosion ne sont visibles que sur les 5 premiers mètres. Ce socle est représenté jusqu'à une profondeur de 1387.3 m par une série gneissique hétérogène où dominent les métapélites et les métagrauwackes, au sein desquelles s'intercalent des horizons calco-silicatés et une série rubanée d'origine volcano-sédimentaire, composée d'amphibolites et de gneiss aplitiques. Ces gneiss hautement métamorphiques, affectés par un début de migmatisation, sont vraisemblablement issus de dépôts précambriens et sont comparables aux gneiss du forage de Kaisten ainsi que dans une certaine mesure, à ceux de l'unité de Vorwald. Un granite dont le contact avec les gneiss est franc et où toute trace de métamorphisme de contact fait défaut a été rencontré à partir de 1387.3 m jusqu'à la profondeur finale de 1688.9 m. Le granite qui appartient au même pluton que celui de Böttstein, comprend une variété dominante à texture porphyrique et à biotite, puis vers le bas un intervalle à deux micas. Les roches filoniennes apparaissent surtout au sein de la série gneissique, où on rencontre des aplites, des pegmatites, des lamprophyres et des veines de quartz avec et sans tourmaline. Les lamprophyres développent des essaims et paraissent être autérieurs au granite.

Le cristallin de Leuggern a été affecté par plusieurs évènements tectono-hydrothermaux postmétamorphiques ou postgranitiques. C'est ainsi qu'une déformation ductile, liée à des zones de cisaillement, s'observe dans la série gneissique, mais pas dans le granite, d'où son antériorité par rapport à l'intrusion granitique. Cette dernière s'étant effectuée au Carbonifère a entraîné une importante déformation cataclastique et provoqué l'altération hydrothermale des gneiss encaissants. En raison de l'important gradient géothermique, le toit du granite encore chaud a été le siège de l'hypothétique circulation convective d'une phase fluide peu saline, malgré la présence de NaCl. Ce phénomène a été responsable de la bréchification de la roche en réponse à une surpression du fluide, dont l'ébullition locale est documentée par les inclusions fluides. Au sein du granite, cette empreinte est essentiellement de nature auto-hydrothermale, beaucoup moins liée à des zones déformées. Une nouvelle fracturation a opéré à des températures plus basses au Permien inférieur, ayant favorisé l'infiltration depuis la paléo-surface de fluides oxydants et salins, riches en CaCl2. Ces fluides ont provoqué l'argilisation de la roche, d'extension locale dans les gneiss puisque surtout liée aux zones déformées, mais presque ubiquiste dans le granite. En effet, le système isotopique du granite a été entièrement rééquilibré comme le démontre l'âge identique de 279 ± 5 Ma que partagent l'illite néoformée (K-Ar) et la roche totale (Rb-Sr, 4 échantillons). L' argilisation a également induit de profondes modifications physico-chimiques de la roche.

Des transformations encore plus récentes sont documentées par des cavités de dissolution et des fentes partiellement comblées par des cristaux. La plupart des minéraux de ces fentes ne sont toutefois pas à l'équilibre avec les eaux intra-formationelles récentes. En effet, d'après le courbes de désintégration d'u et de Th, aucune intéraction géochimique entre la roche et l'eau n'a opéré depuis 1.5 Ma. De même les cations interchangeables qui occupent les sites intersticiels des minéraux des argiles ne présentent aucun lien avec la composition chimique des eaux intra-formationelles récentes. Contrairement à Böttstein, aucune zonation géochimique ou de la composition des argiles se rapportant à l'altération hydrothermale n'a pu être reconnue. Il se dégage plutôt l'image de zones altérées d'ampleur plus ou moins modeste, atteignant une profondeur de 1500 m à l'intérieur du socle cristallin, étant canalisées le long de zones déformées, de filons ou éventuellement de systèmes de diaclases.

En dépit de difficultés d'orientation lors de la men­suration des carottes, les données structurales ob­tenues ont livré des résultats intéressants. La folia­tion des gneiss arbore une direction NW-SE à NE-SW relativement constante pour un pendage qui se situe entre 20 et 50° vers le SW-NW. Les filons aplitiques plongent dans tout le cristallin à raison de 50 à 55°. vers l'E-ENE, plus ou moins perpendiculairement à la foliation des gneiss. Les veines de quartz ou de quartz et de tourmaline forment des structures très inclinées, voire sub-verticales, d'orientation NW-SE à WNW-ESE. Les zones déformées sont en règle générale perpendiculaires à la foliation des gneiss, par consé­quent subparallèles aux filons d'aplite, alors que dans le granite, elles affichent un parallélisme frap­pant avec les veines de quartz ou de quartz et de tourmaline. Des 18'165 diaclases répertoriées, 97.5 % sont scellées et 2.5 % ouvertes, alors que la densité moyenne des diaclases va de 13/m dans les gneiss à 9/m dans le granite. La plupart de ces fractures se sont formées pendant l'empreinte tectono-hydrothermale permienne. Plusieurs générations de diaclases peuvent être distinguées en fonction des paragénèses qui les comblent. En effet, des différences significatives existent entre les gneiss et le granite, quand bien même les fractures renfermant de la calcite ou des mineraux des argiles forment l'essentiel des remplis­sages. Toutefois, aucune connexion entre les paragénèses et la profondeur des diaclases n'a été trouvée. En outre, les fractures ne présentent pas le même disposition spatiale dans les gneiss et le granite. En effet, alors que dans les gneiss elle s'ordonnent en premier lieu subparallèment à la foliation, plus rarement parallèment aux filons d'aplite, les diaclases s'orientent dans le granite, essentiellement selon les veines de quartz ou de quartz et de tourmaline plus anciennes. Ce constat implique l'influence prépondérante des structures préexistantes sur la disposition et l'évolution des fractures.

Les paramètres pétro-physiques suivant ont été déterminés pour différentes roches cristallines: densité de la roche et du grain, porosité totale et effective surface spécifique intérieure et extérieure, conductivité thermique. L'altération hydrothermale influence généralement ces paramètres de manière significative. La localisation de venues d'eau s'est opérée à l'aide de diagraphies de fluide et d'observations de carottes. Des 35 venues d'eau localisées, 10 ont pu être identifiée sur les carottes, notamment toutes les venues importantes. Quatre systèmes d'écoulement ont pu être caractérisés:

  1. Des druses, des chenaux ou des diaclases ouverts ou à proximité immédiate de zones cataclastiques (35 – 40 %) formant un type qui n'est que peu développé dans le granite.
  2. Des fractures ouvertes dans les gneiss, sans liaison directe avec des zones cataclastiques (40 – ­45 %).
  3. Des diaclases ouvertes dans les filons acides (5 – 15 %), uniquement rencontrées dans la série gneissique.
  4. Des veines et des filons subverticaux de quartz/baryte parcourus par des fractures ou des druses ouvertes, uniquement observés dans le granite, sans liaison avec une zone cataclastique (ca. 5 %). Ce système jusque-là pas connu, est responsable d'importantes venues d'eau entre 1648 et 1689 m.