Technical Report NTB 99-05

Geochemistry of Natural Redox Fronts - A Review

Les fronts redox sont des surfaces de limites géochimiques importantes qui doivent être prises en considération lors de l’analyse de sécurité d’un dépôt profond de déchets radioactifs. Dans la plupart des cas, la formation géologique retenue possède naturellement un caractère réducteur en raison de sa teneur en fer bivalent et en sulfures notamment. Pendant la construction et l’exploitation d’un dépôt, de l’air peut pénétrer dans la roche. Des conditions oxydantes peuvent subsister pour un certain temps même après le scellement du dépôt, jusqu'à ce que tout l’oxygène emprisonné soit utilisé. Dans le cas de déchets hautement radioactifs, la radiolyse de l’eau de formation peut fournir une autre source d’agents oxydants. Des conditions oxydantes au cœur d’un dépôt profond de déchets radioactifs sont ainsi possibles et peuvent avoir une influence importante sur la mobilité de nombreux éléments. La vitesse de propagation des fronts redox, ces surfaces séparant les milieux oxydants et réducteurs, et leur influence sur le comportement migratoire des radioéléments sont donc des facteurs importants qui peuvent conditionner le comportement d’un dépôt de déchets radioactifs.

Le présent rapport fournit une vue d’ensemble sur le comportement géochimique d’éléments aux fronts redox, basée sur la littérature publiée et les travaux de l’auteur. Les fronts redox sont des manifestations de caractère géochimique/géométrique d’un interface global entre les conditions oxydantes de la zone d’influence de l’atmosphère et les conditions réductrices qui règnent dans la plupart des roches contenant principalement du fer bivalent, du soufre sous forme de sulfures et/ou de la matière organique. On propose une classification des fronts redox basée sur la subdivision en milieux continentaux proches de la surface, marins proches de la surface et profonds. A l’échelle du globe, les fronts redox se trouvent en général dans une zone proche de la surface dans les roches et les sédiments, en partie aussi à l’intérieur des masses d’eau. Les températures correspondent alors aux conditions de la surface terrestre. Les fronts redox régionaux peuvent atteindre des profondeurs jusqu'à quelques kilomètres dans les bassins contenant des sédiments oxydés (Redbeds) et dans certains systèmes de circulation d’eaux hydrothermales. Dans de tels cas, les températures aux fronts redox peuvent s’élever jusqu'à 200 °C environ. Les fronts redox, aussi bien peu profonds que profonds, sont des lieux d’accumulation d’éléments sensibles à l’oxydation-réduction, ce qui provoque la formation de gisements minéraux, en particulier des éléments U, V, Cu, Ni, Au et Ag. La minéralogie des fronts redox est extrêmement complexe. Aux températures élevées, les fronts redox minéralisés présentent en général une minéralogie plus complexe qu’aux basses températures. 

En se basant sur les connaissances des fronts redox naturels et dans une moindre mesure sur des données expérimentales, on discute le comportement redox des éléments individuels. On aborde succintement la géochimie organique, la formation des minéraux, l’activité microbienne, la radiolyse et l’auto-organisation géochimique sur les fronts redox. Le rapport se termine par une vue d’ensemble des fronts redox actifs et fossiles dans le nord de la Suisse et la Forêt Noire, ainsi que par une revue des méthodes analytiques pour l’analyse des éléments significatifs des processus redox. 

Un résultat général de ce rapport est la confirmation que dans la zone réductrice des fronts redox U, Se, Pd et bien d’autres éléments sont immobilisés efficacement et de manière systématique. Une coprécipitation conduit à l’immobilisation souvent constatée des terres rares (REE) et éventuellement du Th. Tandis que ces résultats correspondent au comportement connu de ces éléments, on a identifié des différences non expliquées du comportement de certains éléments dans les différents types de fronts redox, par exemple les comportements très contrastés du Ni et du Co, sinon très semblables, dans la météorite fossile Brunflo. Le Th est un autre élément pour lequel on suppose un comportement géochimique déviant dans quelques endroits. L’influence prépondérante de grandeurs locales difficilement identifiables sur le comportement des éléments est l’un des obstacles principaux pour l’interprétation de données issues de systèmes naturels. 

Le fait d’avoir rassemblé systématiquement dans ce rapport des données de fronts redox naturels et induits par l’homme permet d’identifier des types de fronts redox adéquats pour l’étude des analogues naturels. Particulièrement riches en enseignements sont les dépôts d’altération qui se forment sur les terrils homogènes de résidus de traitement (type IVb) et les fronts redox qui se forment lors d’intrusion d’eau de mer dans les réservoirs profonds d’hydrocarbures.