Technical Report NTB 91-04

Grimsel Test SiteThe radionuclide migration experimentOverview of investigations 1985 – 1990

Cet article présente un survol des recherches effectuées par la Cédra de 1985 à 1990 dans le cadre du programme d'étude de la migration des radionucléides au laboratoire souterrain du Grimsel, dans les Alpes suisses. Ce projet vise principalement (1) à tester l'extrapolation de données de laboratoire aux conditions de terrain, (2) à prouver par les faits les processus de retardation en milieu fissuré, (3) à améliorer ou développer les méthodologies nécessaires à la caractérisation d'un site, (4) ainsi qu'à tester les modèles géochimiques, hydrodynamiques et de transport existants, ou les bases de données qui y sont liées. Les travaux de terrain et de modélisation sont complétés par un programme de laboratoire étendu.

Les investigations de terrain sont effectuées sur une faille aquifère dans un massif de granite tectoniquement actif. A l'échelle de quelques mètres, cette faille peut être considérée comme un élément bidimensionnel. Les conduits d'écoulement principaux résultent d'une déformation tectonique assez récente (soulèvement alpin). Une déformation cassante a réactivé d'anciens cisaillements ductiles et formé un réseau asymétrique de fractures perméables dans une matrice mylonitique por le reste relativement imperméable. Ces fractures sont partiellement colmatées par une fine brèche de faille micacée, non consolidée et très poreuse. Avant les essais de migration, la faille sélectionnée et son voisinage ont été caractérisés de manière détaillée sur les plans minéralogique, hydrochimique et hydrologique.

L'eau contenue dans la faille est pauvre en oxygène ("anoxic"), de pH élevé (~9.6) et de faible force ionique (0.0012 M); les cations principaux sont Na+ et Ca2+, et les anions dominants F-, HCO3-, Cl-, SO42- et SiO(OH)3-. On a également étudié les populations microbiologique et colloïdale ambiantes, ainsi que l'altération et le transport d'éléments trace naturels au voisinage de la faille.

Huit forages, de 6 à 24 m de long, ont été effectués pour les investigations hydrogéologiques. Les tests hydrauliques (en puits simple) ultérieurs ont révélé une transmissivité hétérogène à l'échelle locale, entre 5∙10-6 et 10-8 m2s-1. Toutefois, à l'échelle de quelques mètres (essais entre puits), la faille peut se caractériser par une transmissivité assez homogène d'environ 2∙10-6 m2s-1. Les divers modèles hydrodynamiques utilisés ont reproduit de manière satisfaisante le régime d'écoulement stationnaire (champ des pressions, flux), mais beaucoup moins bien les valeurs transitoires observées lors d'essais de pompage de longue durée.

A des distances de 6 à 12 m de la paroi du tunnel, les pressions hydrauliques sont d'environ 1.5 bar en moyenne. Cette situation permet de garantir lors des essais de traçage un circuit d'écoulement fermé sur lui-même, stimulé artificiellement (dipôle à débit d'injection toujours inférieur à la moitié du débit de soutirage). A fin de tester l'équipement et d'identifier la constellation de forages appropriée et les durées d'écoulement pour les essais de migration envisagés, on a effectué une série d'essais pilote avec des traceurs conservatifs (uranine, 4He et 82Br-).

Un certain nombre de techniques nouvelles ont été développées et testées avec succès, parmi lesquelles la fluorométrie à fibre de quartz (optrodes) et le traçage à l'hélium. Pour les premiers essais de migration d'un traceur réactif, on a utilisé des isotopes du sodium et du strontium, à la suite d'essais en laboratoire sur l'interaction eau-roche, l'adsorption en chaîne de radionucléides et l'adsorption dynamique. Ces essais ont montré qu'en situation d'équilibre l'adsorption des traceurs Na+ et Sr2+ est dominée par un échange réversible des cations (isotopes), et qu'elle est proportionnelle à la capacité d'échanche cationique CEC disponible. Aux conditions chimiques régnant dans la faille étudiée, on s'attendait à des valeurs du coefficient d'adsorption (Kd) de 0.3 -0.4 ml·g-1 pour Na et 16 -25 ml g-1 pour Sr.

Les premiers essais in situ, mettant en oeuvre une injection instantanée de 24Na+ à courte demi-vie, ont montré que la retardation du pic d'apparition de Na était faible. Afin de prolonger le temps d'interaction entre le traceur et les matériaux de la faille, on a mis au point un dispositif complexe d'injection en continu, avec dosage du traceur et contrôle très précis des débits d'injection et de soutirage par des pompes HPLC modifiées. A fin de réduire les incertitudes liées à la dispersion instrumentale, les volumes des équipements furent réduits le plus possible et des analyses de traceurs effectuées en forage même. On a réalisé un essai comprenant 7 jours d'injection continue de 22Na+ et d'uranine (avec des injections instantannées de 82Br- et He4) et une période d'observation de deux mois. Avec le même équipement, on a effectué plusieurs essais d'injection instantanée de 24Na+, d'uranine, de 82Br- et de 123l-, avec un rapport des débits d'injection et de soutirage de 1/3 et 1/15. Des essais d'injection instantanée de 85Sr2+ modérément adsorbant étaient toujours en cours pour ce qui concerne la période considérée dans le présent rapport.

Des études d'interaction eau-roche en laboratoire, une expérience de mise à l'équilibre à l'échelle du terrain, ainsi que l'interprétation préliminaire du temps de parcours du traceur Na à l'aide d'un modèle à double porosité ont fourni des valeurs d'adsorption grossièrement compatibles entre elles. Le modèle de transport étant calibré grâce au traceur Na, on dispose maintenant de prédictions détaillées concernant le parcours du Sr. Les essais de terrain en cours utilisant le 85Sr2+ permettront de tester de manière critique l'applicabilité du modèle de retardation des radionucléides. Après avoir utilisé des traceurs chimiquement simples et faiblement adsorbants, on prévoit maintenant d'utiliser des nucléides au comportement chimique plus complexe, représentatifs pour les analyses de sûreté de dépôts radioactifs (notamment des isotopes de Cs, Se, Ni, Tc, et éventuellement de Pd, Sn et Np). Le stade final de l'expérience de migration consistera à excaver une partie ou l'ensemble des chenaux d'écoulement empruntés par les divers traceurs.

L'expérience de migration montre de manière concluante comment les efforts combinés d'essais en laboratoire, d'essais sur le terrain et de modélisation permettent d'élargir considérablement la compréhension du transport des radionucléides en milieu rocheux.