Technical Report NTB 12-07

Geochemical Synthesis for the Effingen Member in Boreholes at Oftringen, Gösgen and Küttigen

Le Effingen Member est une unité lithologique à faible perméabilité d'âge Oxfordien (ca. 160 Ma) présente dans la partie Nord de la Suisse. Elle est constituée de marnes calcaires gréseuses et de calcaires (argileux). Ce rapport décrit l'hydrogéochimie, la minéralogie et les propriétés physiques de l'Effingen Member dans trois forages localisés dans la région du Pied sud du Jura: Oftringen, Gösgen et Küttigen, où son épaisseur fluctue entre 220 et 240 m. Le toit de l'Effingen Member se situe respectivement à 420, 66 et 32 m de profondeur. Du matériel carotté existe pour Oftringen et Gösgen, alors que seuls des cuttings, des données de mesures hydro­géologiques «in situ» et des diagraphies géophysiques sont disponibles pour Küttigen.
 

Les limites hydrogéologiques de l'Effingen Member varient entre les différents sites. Des flux d'eaux souterraines ont été identifiés au sommet (Geissberg Member) mais pas à la base de l'Effingen Member à Oftringen, à la base (Hauptrogenstein Formation) de l'Effingen Member à Gösgen et dans une couche calcaire (Gerstenhübel Beds) dans l'Effingen Member à Küttigen.
 

Les marnes et calcaires de l'Effingen Member ont des contenus en carbonates de 46 – 91 % poids et des contenus en minéraux des argiles de 5 – 37 % poids. Le contenu en pyrite atteint 1.6 % poids et aucun sulfate n'a été détecté par les analyses de routine. Les minéraux argileux sont dominés par des inter-stratifiés illite-smectite, de l'illite et de la kaolinite, avec des traces sporadiques de chlorite et de smectite. Des veines contenant de la calcite ± célestite sont fréquentes dans l'Effingen Member à Oftringen mais pas à Gösgen et Küttigen. Elles se sont formées à 50 – 70 °C à partir de fluides externes et sont probablement d'âge Miocène. Le contenu en eau de l'Effingen Member est de 0.7 – 4.2 % poids, ce qui correspond à une porosité accessible à l'eau de 1.9 – 10.8 % volume. La surface spécifique, mesurée par la méthode BET, est de 2 – 30 m2/g et se corrèle avec le contenu en minéraux des argiles.
 

L'activité de l'eau a été mesurée et donne des valeurs étonnement basses, jusqu'à 0.8. Ces valeurs ne peuvent pas être expliquées en ne considérant que la salinité de l'eau porale et d'autres effets doivent être considérés, tels que la relaxation du stress de confinement et une saturation partielle de la porosité. La variabilité des résultats obtenus n'est pas bien comprise.
 

La capacité d'échange de cations (CEC) et la population des cations échangeables ont été étudiées par la methode Ni-en. La CEC est estimée à partir de la consommation du cation indicateur Ni est de 9 à 99 meq/kgroche à un rapport solide: liquide de 1. Elle se corrèle avec le contenu en minéraux des argiles. Les concentrations de cations extraits par la solution Ni-en sont dans l'ordre Na+ ≥ Ca2+ > Mg2+ > K+ > Sr2+. Cependant, les résultats analytiques des extractions Ni-en sont contaminés par des cations venant de l'eau porale et de la dissolution de minéraux durant l'extraction. Il n'a pas été possible d'identifier de manière fiable ces différentes contributions. Pour cette raison, les populations de cations «in situ» et les coefficients de sélectivité n'ont pas pu être déterminés.
 

Différentes méthodes ont été utilisées pour la caractérisation chimique de l'eau porale de l'Effingen Member. La méthode du déplacement advectif a été utilisée sur un échantillon d'Oftringen et un échantillon de Gösgen. Cette méthode est la seule ayant permis de produire des résultats approchant la composition hydrochimique complète. L'extraction aqueuse a été utilisée sur des échantillons de carottes des forages d'Oftringen et Gösgen mais n'a donné des résultats que pour le Cl- et, dans certains cas, pour le Br-. La out-diffusion a été utilisée sur des échantillons de carottes d'Oftringen et n'a, comme pour l'extraction aqueuse, donné des résultats que pour le Cl- et le Br-. Tant pour l'extraction aqueuse que pour la out-diffusion, la réaction entre l'eau utilisée lors de l'expérience et la roche a affecté les concentrations de cations et de SO42- ainsi que l'alcalinité des solutions expérimentales. Enfin, aucune eau porale n'a pu être extraite par la centrifugation d'échantillons saturés.
 

Les rapports isotopiques (d18O and d2H) de l'eau porale des échantillons de carottes d'Oftringen ont été analysés en utilisant la méthode d'échange diffusif. Le contenu en hélium de l'eau porale des échantillons d'Oftringen a été quantifié au spectromètre de masse dans des gaz extraits par dégazage quantitatif d'échantillons de carottes préservées.
 

Plusieurs arguments suggèrent que les échantillons de carottes n'étaient pas totalement saturés en eau porale lors de leur déballage et du sous-échantillonnage au laboratoire. Ceux-ci incluent la comparaison entre la porosité obtenue par perte d'eau et la porosité physique, les mesures de l'activité de l'eau, ainsi qu'un contenu élevé en gaz de l'eau porale, déduit à partir d'échantillons d'eau souterraine. Cependant, le fait que la saturation soit partielle n'est pas formellement démontré et il n'est pas clair si l'état de désaturation éventuel reflète les conditions «in situ» ou s'il est la conséquence d'une exsolution gazeuse liée à la décompression des carottes depuis leur prélèvement. Une saturation partielle n'aurait aucun impact sur le calcul de la composition chimique de l'eau porale à partir des extractions aqueuses en utilisant les données de porosité par perte d'eau.
 

La plus grosse incertitude sur la concentration en Cl- de l'eau porale calculée à partir des extractions aqueuses et des expériences de out-diffusion tient à la dimension de la fraction de la porosité par perte d'eau accessible aux anions. L'expérience acquise sur des formations riches en minéraux argileux suggère que la fraction de porosité accessible aux anions est souvent autour de 0.5 et généralement entre 0.3 et 0.6. Elle tend à être inversement proportionnelle au con­tenu en minéraux argileux. La comparaison entre la concentration en Cl- obtenue par déplace­ment advectif et celle calculée à partir des résultats d'extraction aqueuse sur un échantillon adjacent suggère une fraction de porosité accessible aux anions de 0.27 pour un échantillon de Oftringen. La même procédure sur un échantillon de Gösgen suggère une valeur de 0.64. La valeur obtenue pour Oftringen n'est probablement pas représentative car les varia­tions locales de minéralogie sont importantes le long du forage à la profondeur corres­pondant à l'échantillon analysé. Les expériences de through-diffusion avec les traceurs HTO et 36Cl- suggèrent que la fraction de porosité accessible aux anions dans l'Effingen Mem­ber à Oftringen et Gösgen est autour de 0.5. Cette valeur est proposée comme valeur typique pour les roches de l'Effingen Member, en tenant en compte que celle-ci varie à une échelle locale en réponse aux hétérogénéités lithologiques et de l'architecture de l'espace poral. Les incertitudes substantielles associées à la procédure d'estimation de la porosité accessible aux anions se propagent sur les calculs des concentrations «in situ» en Cl- de l'eau porale.
 

Sur la base des experiences d'extraction aqueuse et en utilisant une fraction de porosité accessible aux anions de 0.5, la concentration en Cl- dans l'eau porale de l'Effingen Member à Oftringen atteint un maximum d'environ 14 mg/L au centre de l'unité. De là, la concentration diminue vers le haut et vers le bas en formant un profile courbe en fonction de la profondeur. La concentration en Cl- dans l'Effingen Member à Gösgen augmente avec la profondeur depuis une valeur de environ 3.5 g/L à environ 14 g/L à la base du profile carotté (qui correspond au centre de la formation). Des expériences de out-diffusion ont été effectuées sur quatre échantillons de Oftringen, distribués sur l'épaisseur de l'Effingen Member. Les concentrations calculées de Cl- sont similaires à celles obtenues par extraction aqueuse pour trois des quatre échantillons, et un peu plus basse pour un échantillon. Les concentrations en Na+, K+, Ca2+, Mg2+, Sr2+, SO42- et HCO3- ne peuvent pas être obtenues à partir des données expérimentales obtenues par extrac­tions aqueuses ou out-diffusion à cause de phénomènes de dissolution des minéraux de la roche et d'échange cationiques durant la réaction. De même, le pH de l'eau porale ne peut pas être défini avec ces méthodes d'extraction.
 

Le déplacement advectif de l'eau porale est la seule approche expérimentale permettant d'ob­tenir la composition de l'eau porale pour les échantillons d'Oftringen et Gösgen. L'échantillon d'Oftringen utilisé dans cette expérience correspond à une profondeur de 445 m et est localisé dans la partie supérieure de l'Effingen Member. Il a donné un éluât contenant 16.5 g/L de Cl-, alors que des échantillons adjacents ont donné environ 9 g/L de Cl- par la méthode d'extraction aqueuse. L'échantillon de Gösgen utilisé pour le déplacement advectif de l'eau porale correspond à une profondeur de 123 m et est localisé dans le centre de l'Effingen Member. Il a donné un éluât contenant environ 9 g/L de Cl- alors que l'extraction aqueuse donnait 11.5 g/L de Cl-. Dans les deux cas, les eaux porales ont des compositions du type Na-(Ca)-Cl avec des con­cen­tra­tions en SO42- autour de 1.1 g/L. Le rapport Br/Cl est similaire à l'eau de mer pour l'échan­tillon de Gösgen, mais plus bas que l'eau de mer pour l'échantillon d'Oftringen.
 

En prenant en compte les marges d'erreur des résultats obtenus par les différentes méthodes expérimentales, il semble raisonnable de considérer un maximum d'environ 20 g/L pour la concentration en Cl- de l'eau porale de l'Effingen Member dans la région considérée.
 

Des différences majeures sont observées entre les concentrations en SO42- de l'eau porale déduites à partir des procédures par extraction aqueuse et out-diffusion, et celles obtenues par déplace­ment advectif sur des échantillons de Oftringen et Gösgen. Une conclusion générale est que ces différences sont attribuables en leur totalité ou au moins en partie à des perturbations du système du soufre impliquant l'augmentation de la concentration en SO42- lors des expériences par extraction aqueuse et out-diffusion par des processus de dissolution de minéraux, et éven­tuelle­ment par une faible oxydation de la pyrite. Il s'ensuit que les valeurs de SO42- cal­culées à partir de ces deux dernières méthodes ne sont pas considérées comme représentatives des condi­tions «in situ».
 

Une composition chimique de référence a été définie pour l'eau porale de l'Effingen Member dans la région du Pied sud du Jura. Elle représente la limite supérieure probable de salinité (Cl-) et de concentration en anions et cations qui peut être raisonnablement déduite des données expérimentales. Les concentrations sont probablement plus faibles vers les limites supérieures et inférieures définies par les aquifères respectifs. En dehors du Cl- et peut-être du Na+, la com­posi­tion de l'eau porale de référence n'est pas clairement définie pour les concentrations en SO42- et Ca2+, ainsi que pour le pH et l'alcalinité.
 

La composition en isotopes stable (δ18O and δ2H) de l'eau porale de l'Effingen Member à Oftringen tombe à droite de la droite de l'eau météorique, suggérant que l'eau à été enrichie en 18O par échange fluide-roche, ce qui indique que l'eau porale a eu un long temps de résidence. Cette interprétation est conforme avec la concentration en 4He accumulé dans les eaux porales du Effingen Member à Oftringen, par ailleurs comparable ou légèrement supérieure à celle mesurée dans les Argiles à Opalinus de Benken.
 

Les eaux souterraines ont été échantillonnées dans les zones de perméabilité interceptées par les forages aux trois localités. L'interprétation générale est que les sels dissous dans les eaux porales et dans les eaux souterraines ont probablement une origine similaire, à partir d'eaux de formation saumâtres ou marines du Mésozoique et du Cénozoique. Cependant, les sels dissous dans les eaux souterraines ont été plus fortement dilués que dans les eaux porales par l'incursion d'eaux météoriques durant le Tertiaire et le Quaternaire.
 

Les données hydrochimiques pour les eaux porales de l'Effingen Member pour les trois localités étudiées dans la région du Pied sud du Jura suggèrent que le système géochimique a évolué lentement durant les temps géologiques, temps durant lesquels la diffusion était un important mécanisme de transport des sels dissous. L'irrégularité des profils de Cl- et δ18O ainsi que la variabilité spatiale des flux advectifs dans les aquifères du Malm – Dogger suggèrent que les réponses paléohydrologiques et hydrochimiques aux changements de régimes tectoniques et de conditions en surface ont été complexes.