Une période passionnante attend la Nagra


Lino Guzzella est président du conseil d’administration de la Nagra depuis début juillet. Nous nous sommes entretenus avec lui sur sa motivation, sur l’énergie nucléaire et sur la coopération.

M. Guzzella, qu’est-ce qui vous a motivé à endosser la fonction de président du conseil d’administration ?
Je m’intéresse à la technique depuis ma jeunesse, spécialement à tout ce qui concerne l’énergie. Je connais une partie des domaines d’activité de la Nagra, mais beaucoup me sont inconnus. Je suis donc très motivé par l’idée de pouvoir contribuer à la réalisation des objectifs du projet « Dépôt en couches géologiques profondes », d’autant plus que la Nagra va au-devant d’une période passionnante. En effet, sous la direction de son nouveau CEO, Matthias Braun, la Nagra va faire une proposition l’année prochaine pour le site d’implantation du futur dépôt en profondeur. En 2024, elle déposera une demande d’autorisation générale. Il sera fort intéressant de pouvoir accompagner le processus d’évaluation par l’exécutif, le législatif et enfin par le souverain.

Avant de prendre votre nouvelle fonction, vous avez siégé au conseil d’administration de la Nagra pendant six mois. Qu’est-ce qui vous a le plus surpris pendant cette période ?
J’ai été bien plus impressionné que surpris. J’ai trouvé et trouve impressionnante la grande qualité technique des travaux réalisés par la Nagra dans les domaines de la géologie et de la modélisation de la dynamique souterraine. J’ai été impressionné également par la qualité des publications de la Nagra, tant celles qui sont destinées au grand public que celles qui s’adressent aux spécialistes. Et enfin, l’accueil chaleureux et ouvert par tous les collaborateurs et collaboratrices de la Nagra m’a fait le plus grand plaisir.

Votre prédécesseur, Corina Eichenberger, a déclaré dans son discours d’adieu à la dernière AG de la Nagra qu’elle vous remettait une « Nagra en bonne voie ». Partagez-vous cette appréciation ?
Absolument. Le projet est en bonne voie, nous nous trouvons sur la dernière ligne droite en ce qui concerne la recherche du site d’implantation. Au cours de plusieurs décennies, la Nagra a créé les bases théoriques et empiriques nécessaires. Corina Eichenberger et Thomas Ernst, ancien CEO de la Nagra, ont fourni un travail remarquable ces dernières années. Je leur en suis très reconnaissant.

Par le passé, vous avez plaidé publiquement en faveur de la poursuite de l’utilisation de l’énergie nucléaire. Or, la Nagra souligne depuis des années qu’elle est neutre sur le plan de la politique énergétique. Le restera-t-elle ?
Bien sûr que la Nagra, en tant qu’organisation, restera neutre. Elle a un mandat clairement défini, à savoir préparer un dépôt en couches géologiques profondes. Plaider pour ou contre l’énergie nucléaire ne fait pas partie de son mandat et chaque membre de son personnel peut avoir sa propre opinion sur la question.

Je me permets également d’avoir mon avis à ce sujet. Le changement climatique engendré par l’homme constitue une menace sérieuse pour les générations futures. L’électrification de vastes secteurs va contribuer à éviter les pires scénarios, mais uniquement si l’énergie électrique nécessaire est produite en grande partie sans émissions de gaz à effet de serre. L’énergie nucléaire peut y contribuer. C’est pourquoi, à mon avis, il faut prendre en compte cette option également. Si, dans les années 1950, la Suisse avait misé sur le charbon à la place du nucléaire – il y avait des personnalités de renom qui favorisaient cette voie – nous aurions émis à ce jour environ 500 milliards de mètres cubes de CO2 dans l’atmosphère, à la place des quelque 10 000 mètres cubes de déchets de haute activité que nous allons évacuer dans un dépôt en profondeur. Que nous ayons pu éviter ces émissions constitue pour moi une importante contribution à la protection du climat.

Vous avez souligné que vous souhaitiez travailler en étroite collaboration avec les coopérateurs. Comment cette coopération peut-elle être intensifiée ?
Les propriétaires de la Nagra ont créé cette organisation pour atteindre un objectif concret : évacuer, de manière sûre et à long terme, les déchets radioactifs dans un dépôt en couches géologiques profondes. Il s’agit d’atteindre ce but dans les délais et dans le cadre financier définis, en respectant les normes de qualité requises. En tant que président du conseil d’administration, je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour que tous les acteurs, à savoir les propriétaires, le conseil d’administration et la direction, œuvrent en direction de cet objectif, avec plaisir, respect et engagement.